Sécurité routière

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Pourquoi roule-t-on trop vite ?

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Le temps sur la route, du temps perdu
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La vitesse est une notion valorisée socialement dans nos sociétés modernes : tout doit aller vite et de plus en plus vite. Cela fait qu’on accepte de plus en plus difficilement l’attente et que le consommateur supporte de moins en moins bien la frustration : il veut tout, tout de suite. Le voyage est du temps perdu sur le temps de vacances et comme le conducteur peut difficilement maximiser son occupation pendant ce temps de voyage, il cherche à minimiser le temps de parcours.
 
Sécurité routière la vitesse, une sensation de plaisir et de domination Sécurité routière
La vitesse peut également procurer des sensations, notamment de plaisir. Ce plaisir est lié aux sensations, associées à l’accélération qui colle au siège, à la route qui défile, mais également au sentiment de puissance qui, lui, est lié au fait de contrôler une machine puissante et de dépasser les autres. C’est aller vite, mais aussi aller plus vite que les autres qui engendre un sentiment de domination : domination de la machine et domination des autres.
 
Sécurité routière vitesse, signe extérieur de compétence d’un conducteur Sécurité routière
De nombreuses études montrent que la vitesse est le symbole de la maîtrise du véhicule : il est le signe de la compétence du conducteur, à tel point que le fait de ne pas aller assez vite peut être perçu comme un signe de peur et de manque d’expérience du conducteur novice. Aller vite, c’est donc maîtriser l’engin, maîtriser la situation et dominer les autres.
 

Quelles situations favorisent l'excès de vitesse ?

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la qualité de la route, la météo et le niveau de trafic facteurs de risque
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Nous avons tous tendance à prendre plus de risques dans les situations qui nous semblent sûres. Ainsi, plus la route est belle, plus le conducteur aura le sentiment qu’il maîtrise la situation et moins il va percevoir le risque de ses comportements. Lorsque la météo est bonne, on roule plus vite. L’autoroute est objectivement plus sûre que la route nationale, elle est faite pour permettre des vitesses plus élevées. Le trafic fluide pousse aussi à conduire plus vite, parce que le nombre d’interactions potentielles avec les autres usagers est bas.
 

Profil type de celui ou celle qui commet des excès de vitesse ?

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le jeune conducteur joue avec le danger de mort pour se sentir vivant
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Certaines caractéristiques ont été relevées dans la littérature.
En 1, l’âge : les jeunes conducteurs roulent plus vite que les plus âgés. En roulant vite les jeunes prennent un risque de manière volontaire, ils recherchent des sensations, manifestent leur indépendance des normes adultes, testent les limites, jouent avec le danger de mort pour se sentir vivant.
En 2, le sexe : les hommes roulent en moyenne plus vite que les femmes. La prise de risque, mais aussi la maîtrise de la conduite sont valorisées chez les hommes, et ces deux facteurs se conjuguent : en roulant vite, l’homme espère montrer qu’il est viril et qu’il maîtrise son véhicule.
En 3, le niveau socioculturel : les individus de statut socioprofessionnel élevé combinent un attrait pour la vitesse, une représentation négative des mesures de limitation de vitesse et des véhicules plus puissants. Ils sont donc davantage susceptibles de transgresser les limitations de vitesse, cette transgression étant aussi un moyen de manifester leur domination sociale.
En 4, les circonstances : si la présence de passagers apaise la conduite des adultes, elle produit l’effet inverse chez les jeunes conducteurs. La fréquence de conduite et la connaissance du trajet augmentent également les vitesses excessives
 

Quelle est la mécanique d’une prise de risque ?

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on fait un pari qui n’est pas toujours gagnant
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Celui qui prend un risque pense forcément avoir de bonnes raisons de le prendre. Prendre un risque, c’est s’engager dans une situation dont on ne connaît pas l’issue, parce qu’on pense avoir les moyens de gérer la situation. Celui ou celle qui le prend espère que les gains obtenus seront supérieurs aux éventuelles pertes. On fait donc un pari, mais qui n’est pas toujours gagnant.
 
Sécurité routière la règle n’est pas admise dans son bien-fondé Sécurité routière
Pour les conducteurs qui voient une contrainte dans les limitations de vitesse, il y a peu de chances qu’un dépassement des vitesses soit perçu comme une prise de risque. En effet, même s’ils connaissent la règle, ils envisagent tout un tas de situations où il n’est pas nécessaire de la respecter. Cela explique par exemple pourquoi la gravité des accidents sur autoroute est plus importante la nuit : certains roulent plus vite car pour eux la limitation n’a pas vraiment de justification. On le voit aussi avec le comportement de certains conducteurs aux abords des radars : ils freinent brutalement avant et accélèrent après. Cela signifie que la règle n’est pas admise dans son bien-fondé. Pour eux, il faut obéir à la loi quand la sanction légale peut les atteindre, mais on peut la transgresser dès que le risque de sanction s’éloigne.
 

Comment expliquer que d’autres respectent les limitations de vitesse ?

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comprendre les conséquences potentielles de son comportement
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Cela suppose de trouver des raisons, en soi, d’accepter ce contrôle qu’on s’impose à soi-même, mais aussi parfois de résister à la pression des autres, qui peuvent pousser à l’accélération collective. Je pense que cela implique la compréhension de l’utilité de la règle et donc de comprendre les conséquences potentielles de son comportement, pour soi-même et pour les autres. Ces autres ne sont pas seulement nos passagers, des personnes auxquelles nous tenons, dont nous sommes responsables et qui mettent leur vie entre nos mains de conducteur. Ce sont aussi toutes les personnes que nous croisons sur la route. En respectant les règles routières, on admet que l’autre est comme nous et que l’on souhaite aussi de lui qu’il ne nous mette pas en danger, comme il souhaite que nous ne le mettions pas en danger.
 

Différences homme/femme au volant ?

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les hommes présumés responsables à 83 % des accidents mortels de la route
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83 % des auteurs présumés d’accidents mortels sont des hommes, et ce n’est pas seulement une question de kilomètres parcourus, mais aussi une question de comportements sur la route. Les femmes en général, conduisent moins vite, commettent moins d’infractions, bref, elles sont plus prudentes que les hommes.
 

Pourquoi une telle différence homme/femme au volant ?

Plusieurs phénomènes se conjuguent. Il y a bien sûr des facteurs biologiques : le sexe mâle entraîne plus de recherche de sensations, à cause du niveau de testostérone élevé, mais aussi un moindre effet de l’alcool sur les performances. Par ailleurs, les zones du cortex préfrontal participant à la perception du risque et au contrôle de l’impulsivité se développent plus tardivement à l’adolescence chez les garçons que chez les filles. Cela explique les différences notoires durant l’âge pré-adulte. Mais il y a aussi des facteurs culturels et sociaux. La prise de risque, la compétition, la domination, l’indépendance face aux règles, participent grandement à ce qui définit le masculin dans nos sociétés. Beaucoup d’hommes vont chercher à prouver leur virilité en se conformant à ces attentes sociales : en prenant des risques, en allant vite, en transgressant les règles.
 
Sécurité routière jouets à roues pour les garçons Sécurité routière
Dès la prime enfance, les jouets à roues sont associés au garçon. La croyance selon laquelle conduire est une activité masculine est encore largement répandue dans nos sociétés. Dans ce cadre, les hommes seraient naturellement compétents. La prise de risque est d’ailleurs perçue, dès la pré-adolescence, comme un signe de compétence pour la conduite. Dans ces conditions, « rouler » vite signifie que l’on maîtrise la conduite, et maîtriser la conduite c’est affirmer qu’on est bien un homme.
 
Sécurité routière éviter les risques pour les filles Sécurité routière
Au contraire de l’homme, l’adage « femmes au volant, mort au tournant » associe le féminin avec l’incompétence au volant. Un signe de cette incompétence présumée serait leur lenteur au volant, comme elle est attribuée aux conducteurs âgés. Aller vite, c’est être un conducteur compétent, aller lentement, c’est être un conducteur incompétent. On éduque dès l’enfance les filles à l’idée qu’elles doivent prendre en compte les autres, s’occuper des autres, se soumettre à la volonté des adultes, obéir et éviter les risques, qui relèvent eux du masculin, parce qu’est véhiculée aussi l’idée que la fille est vulnérable, fragile. Cette plus grande prudence et conformité ne sont pas liées au sexe biologique, mais aux attentes sociales liées à la féminité.
 
Marie-Axelle Granié est docteur en psychologie sociale du développement, directrice de recherche à l’IFSTTAR-TS2-LMA (Institut français des sciences et technologies de transports, de l’aménagement et des réseaux, transports santé sécurité, laboratoire mécanismes des accidents).

Elle est notamment l’auteure de :
  • Genre et rapport au risque dans l’espace routier : de la compréhension au levier pour l’action. Questions Vives Recherches en Education, 9(19), 65-88. (https://questionsvives.revues.org/1273)
  • Les représentations sociales dans le champ de la sécurité et de la prévention routières. In S. Delouvée & G. Lo Monaco (Eds.), Les représentations sociales. Théories, méthodes et applications. Bruxelles: de Boeck.
 
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