Sécurité routière

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Six questions au Docteur Sandrine CARRERA,
médecin urgentiste aux Urgences de l’hôpital Sainte Musse à Toulon
(Centre Hospitalier Intercommunal Toulon-La Seyne sur Mer)
et au SAMU 83, responsable des internes du SAMU 83
 

Sécurité routière
En été, l’hôpital Sainte Musse reçoit tous les jours au moins un accidenté qui n’avait pas d’équipement de protection suffisant à deux-roues motorisé Sécurité routière
 

Quelles sont les blessures des mains et des avant-bras les plus typiques suite à un accident à deux-roues motorisé que vous observez dans votre service d’urgence ?
Il y a plusieurs niveaux de gravité en fonction de la chute. Lors d’un dérapage à faible vitesse, les principales blessures que nous constatons vont des égratignures peu profondes à la fracture d’une articulation. La main reste sur la poignée lors de la chute. Sans protection, elle « râpe » directement sur le goudron. Plus la vitesse est grande, plus la blessure va être profonde. C’est exactement comme une orange passée sur une râpe. Plus vous appuyez, plus vous allez en profondeur, d’abord la peau, ensuite la pulpe. C’est encore plus grave avec le dos de la main : les tendons, qui se situent juste en dessous de la peau, sont très vite sectionnés. Au delà, les articulations se brisent.
 

Que se passe-t-il à plus grande vitesse ?
Quand la vitesse augmente, la personne accidentée est projetée. Dans ce cas, le réflexe est de mettre ses mains en avant pour amortir la chute. En touchant le sol, les doigts, encore pliés, se brisent. Et si le corps roule sur le sol, les poignets, les tendons et les coudes sont lésés. Parfois même, les deux os de l’avant-bras.
 

Qu’en est-il de la douleur ?
Elle est terrible. Le frottement sur le goudron, souvent chauffé à blanc en été, provoque une brûlure intense pendant au moins 3 ou 4 jours. La main est une zone du corps particulièrement sensible, ce qui la rend très vulnérable à la douleur. Une piqure d’aiguille au doigt est par exemple beaucoup plus douloureuse qu’une injection d’un vaccin à l’épaule.
 

Combien de temps faut-il pour se remettre de ce type de blessures ?
Il faut compter 2, voire 3 semaines, pour la cicatrisation. Aux urgences, nous nettoyons et désinfectons les plaies et faisons notre maximum pour enlever tous les corps étrangers. Certains, comme le goudron, laissent des traces noires durables dans la peau.
Pour les fractures et les lésions des tendons, 4 à 6 semaines de consolidation sont nécessaires. Cela peut poser de sérieux problèmes de vie quotidienne et professionnelle aux personnes accidentées. D’autant que les doigts peuvent rester bloqués pendant deux mois. Parfois subsiste également une douleur permanente, accompagnée d’une décalcification de l’articulation qui ne cicatrisera jamais (la pseudarthrose). Enfin, la régénération d’un nerf atteint peut prendre jusqu’à 9 mois. Certaines personnes se retrouvent même avec des doigts définitivement insensibles.
 

Le passager d’un deux-roues motorisé est-il mieux protégé que le conducteur ?
Non. Il est très important que le passager porte des équipements de protection au même titre que le pilote. En cas de glissade et de chute latérale, le conducteur et le passager tombent ensemble et subissent les mêmes blessures. Et ils sont projetés de la même manière quand un deux-roues motorisé percute un obstacle. Il nous arrive de soigner un conducteur bien équipé qui transportait une passagère sans aucune protection. Dans ce cas, c’est toujours la passagère qui est gravement blessée.
 

L’obligation du port des gants permettra-il d’éviter ces blessures ?
Oui, c’est certain. Les gants homologués, en cuir, supportent le frottement contre l’asphalte et certains modèles comportent des protections renforcées aux articulations.
Je suis très favorable à cette mesure. Je pense même qu’il faudrait aller plus loin en rendant obligatoire le port du blouson et des bottes pour les conducteurs comme pour les passagers. Dans une voiture, la carapace est à l’extérieur. Sur une moto, la carapace est entre vos jambes. Vous n’êtes protégé de rien, vous êtes en première ligne sur l’accident. Une moto, c’est du plaisir, de la liberté, de la vitesse, de la facilité, mais également du danger. La moto « freestyle » ça ne marche pas.
 
Gants